La Fille
Fable de Jean de La Fontaine
| La Fille | |
|---|---|
| Livre | Livre VII des Fables de la Fontaine
(4ème fable du livre VII - 2ème partie) |
| Parution | 1678 |
| Auteur | Jean de La Fontaine |
| Thèmes | La fierté, l'insatisfaction et les dangers des attentes irréalistes |
| Genre | Fable morale |
| Fable liée | Le Héron |
Texte original de la fable "La Fille"
Découvrez la fable La Fille dans sa version originale, sans annotations, pour une lecture authentique. Vous pourrez ainsi apprécier le texte tel qu'il a été écrit par Jean de La Fontaine.
Certaine fille un peu trop fière
Prétendait trouver un mari
Jeune, bien fait et beau, d’agréable manière.
Point froid et point jaloux ; notez ces deux points-ci.
Cette fille voulait aussi
Qu’il eût du bien, de la naissance,
De l’esprit, enfin tout. Mais qui peut tout avoir ?
Le destin se montra soigneux de la pourvoir :
Il vint des partis d’importance.
La belle les trouva trop chétifs de moitié.
Quoi moi ? quoi ces gens-là ? l’on radote, je pense.
A moi les proposer ! hélas ils font pitié.
Voyez un peu la belle espèce !
L’un n’avait en l’esprit nulle délicatesse ;
L’autre avait le nez fait de cette façon-là ;
C’était ceci, c’était cela,
C’était tout ; car les précieuses
Font dessus tous les dédaigneuses.
Après les bons partis, les médiocres gens
Vinrent se mettre sur les rangs.
Elle de se moquer. Ah vraiment je suis bonne
De leur ouvrir la porte : Ils pensent que je suis
Fort en peine de ma personne.
Grâce à Dieu, je passe les nuits
Sans chagrin, quoique en solitude.
La belle se sut gré de tous ces sentiments.
L’âge la fit déchoir : adieu tous les amants.
Un an se passe et deux avec inquiétude.
Le chagrin vient ensuite : elle sent chaque jour
Déloger quelques Ris, quelques jeux, puis l’amour ;
Puis ses traits choquer et déplaire ;
Puis cent sortes de fards. Ses soins ne purent faire
Qu’elle échappât au temps cet insigne larron :
Les ruines d’une maison
Se peuvent réparer ; que n’est cet avantage
Pour les ruines du visage !
Sa préciosité changea lors de langage.
Son miroir lui disait : Prenez vite un mari.
Je ne sais quel désir le lui disait aussi ;
Le désir peut loger chez une précieuse.
Celle-ci fit un choix qu’on n’aurait jamais cru,
Se trouvant à la fin tout aise et tout heureuse
De rencontrer un malotru.
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Texte annoté "La Fille"
Cette version de la fable "La Fille" vous permet de suivre le texte avec des annotations visibles en parallèle. À gauche, vous trouverez le texte original, tandis qu'à droite, les commentaires et explications vous apporteront des précisions sur le sens des vers et les symboles utilisés par Jean de La Fontaine.
Certaine fille un peu trop fière [1]
Prétendait trouver un mari
Jeune, bien fait et beau, d’agréable manière.
Point froid et point jaloux ; notez ces deux points-ci.
Cette fille voulait aussi
Qu’il eût du bien [2], de la naissance [3],
De l’esprit, enfin tout. Mais qui peut tout avoir ?
Le destin se montra soigneux de la pourvoir [4] :
Il vint des partis d’importance.
La belle les trouva trop chétifs [5] de moitié.
Quoi moi ? quoi ces gens-là ? l’on radote [6], je pense.
A moi les proposer ! hélas ils font pitié.
Voyez un peu la belle espèce !
L’un n’avait en l’esprit nulle délicatesse ;
L’autre avait le nez fait de cette façon-là ;
C’était ceci, c’était cela,
C’était tout ; car les précieuses [7]
Font dessus tous les dédaigneuses [8].
Après les bons partis, les médiocres [9] gens
Vinrent se mettre sur les rangs.
Elle de se moquer. Ah vraiment je suis bonne
De leur ouvrir la porte : Ils pensent que je suis
Fort en peine de ma personne.
Grâce à Dieu, je passe les nuits
Sans chagrin, quoique en solitude.
La belle se sut gré [10] de tous ces sentiments.
L’âge la fit déchoir [11] : adieu tous les amants.
Un an se passe et deux avec inquiétude.
Le chagrin vient ensuite : elle sent chaque jour
Déloger quelques Ris [12], quelques jeux, puis l’amour ;
Puis ses traits choquer et déplaire ;
Puis cent sortes de fards [13]. Ses soins ne purent faire
Qu’elle échappât au temps cet insigne [14] larron [15] :
Les ruines d’une maison
Se peuvent réparer ; que n’est cet avantage
Pour les ruines du visage !
Sa préciosité changea lors [16] de langage.
Son miroir lui disait : Prenez vite un mari.
Je ne sais quel désir le lui disait aussi ;
Le désir peut loger chez une précieuse.
Celle-ci fit un choix qu’on n’aurait jamais cru,
Se trouvant à la fin tout aise et tout heureuse
De rencontrer un malotru [17].
[1] Trop orgueilleuse ou prétentieuse.
[2] Propriétés, argent, biens matériels.
[3] Origines sociales ou familiales.
[4] De lui procurer un futur mari.
[5] Faibles, peu impressionnants.
[6] Tenir des propos peu sensés.
[7] Femmes prétendant à la distinction et au raffinement.
[8] Méprisantes.
[9] Modestes, moins distingués.
[10] Su se satisfaire.
[11] Perdre de l'attractivité, tomber dans un état moins avantageux.
[12] Rires, plaisirs.
[13] Cosmétiques, produits de maquillage.
[14] Qui est digne d'attirer l'attention.
[15] Celui qui prend furtivement le bien d'autrui, voleur.
[16] À ce moment-là.
[17] Terme populaire, personne mal bâti et en mauvaise santé.
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Version "La Fille" avec numérotations des vers
Cette version de l'histoire La Fille avec les vers numérotés est idéale pour ceux qui veulent étudier la structure de la fable ou qui souhaitent pouvoir se référer facilement à des vers spécifiques. La numérotation des vers permet de mieux se repérer dans le texte et facilite les analyses littéraires.
- Certaine fille un peu trop fière
- Prétendait trouver un mari
- Jeune, bien fait et beau, d’agréable manière.
- Point froid et point jaloux ; notez ces deux points-ci.
- Cette fille voulait aussi
- Qu’il eût du bien, de la naissance,
- De l’esprit, enfin tout. Mais qui peut tout avoir ?
- Le destin se montra soigneux de la pourvoir :
- Il vint des partis d’importance.
- La belle les trouva trop chétifs de moitié.
- Quoi moi ? quoi ces gens-là ? l’on radote, je pense.
- A moi les proposer ! hélas ils font pitié.
- Voyez un peu la belle espèce !
- L’un n’avait en l’esprit nulle délicatesse ;
- L’autre avait le nez fait de cette façon-là ;
- C’était ceci, c’était cela,
- C’était tout ; car les précieuses
- Font dessus tous les dédaigneuses.
- Après les bons partis, les médiocres gens
- Vinrent se mettre sur les rangs.
- Elle de se moquer. Ah vraiment je suis bonne
- De leur ouvrir la porte : Ils pensent que je suis
- Fort en peine de ma personne.
- Grâce à Dieu, je passe les nuits
- Sans chagrin, quoique en solitude.
- La belle se sut gré de tous ces sentiments.
- L’âge la fit déchoir : adieu tous les amants.
- Un an se passe et deux avec inquiétude.
- Le chagrin vient ensuite : elle sent chaque jour
- Déloger quelques Ris, quelques jeux, puis l’amour ;
- Puis ses traits choquer et déplaire ;
- Puis cent sortes de fards. Ses soins ne purent faire
- Qu’elle échappât au temps cet insigne larron :
- Les ruines d’une maison
- Se peuvent réparer ; que n’est cet avantage
- Pour les ruines du visage !
- Sa préciosité changea lors de langage.
- Son miroir lui disait : Prenez vite un mari.
- Je ne sais quel désir le lui disait aussi ;
- Le désir peut loger chez une précieuse.
- Celle-ci fit un choix qu’on n’aurait jamais cru,
- Se trouvant à la fin tout aise et tout heureuse
- De rencontrer un malotru.
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Résumé et morale de la fable "La Fille"
Résumé de la fable
Dans la fable La Fille de Jean de La Fontaine, l'auteur raconte l'histoire d'une jeune femme "La Fille" un peu trop fière et exigeante dans sa quête du mari idéal. Elle recherche un homme jeune, beau, bien fait, sans défauts comme la froideur ou la jalousie. De plus, elle souhaite qu'il soit riche, cultivé et parfaitement accompli. Plusieurs prétendants se présentent à elle, mais elle les rejette tous, jugeant qu'ils ne sont pas à la hauteur de ses exigences.
Finalement, le temps passe et la jeune fille vieillit. Elle se rend compte qu'elle est désormais moins attirante et qu'elle a moins de choix, elle doit revoir ses prétentions à la baisse.
Elle finit par accepter un homme qu'elle aurait auparavant ignoré, se contentant d'un prétendant beaucoup plus modeste et loin d'être beau, un "malotru", pour éviter la solitude.
Morale de la fable
La morale de la fable La Fille de Jean de La Fontaine est que l'exigence excessive et l'orgueil peuvent mener à la déception et à la solitude. La jeune fille, en recherchant un mari parfait selon ses critères élevés, finit par passer à côté de plusieurs opportunités, et, avec le temps, elle se voit contrainte d'accepter un prétendant qu'elle aurait auparavant rejeté.
La fable nous enseigne qu'il est souvent plus sage d'être raisonnable et d'apprécier ce que l'on a plutôt que de poursuivre des idéaux inaccessibles, car le temps et l'âge finissent par nous rappeler la réalité.
Il convient de rappeler que la fable de La Fontaine a été écrite au XVIIème siècle, à l'époque où selon les normes sociales, les jeunes filles devaient être mariées avant 20 ans.
Questions et réponses sur "La Fille"
Dans la fable "La Fille" pourquoi la Fille est-elle si exigeante dans ses critères de mariage ?
La fille est exigeante parce qu'elle recherche un homme jeune, beau, riche, de bonne naissance (d'une famille issue de la noblesse) et avec de l'esprit, pensant que ce mariage idéal existe.
Quelle est la morale de la fable "La Fille" ?
La morale de la fable est qu'il faut parfois savoir être raisonnable dans ses attentes et ne pas rechercher la perfection, car la perfection n'existe pas et l'excès de prétention peut mener à la déception. La morale de "La fille" est identique à celle de la fable Le Héron.
Pourquoi la fille rejette-t-elle les premiers prétendants qui lui sont proposés dans la fable "La Fille" ?
La fille rejette les premiers partis proposés parce qu'ils ne répondent pas à ses critères de perfection, malgré leurs qualités réelles.
Que symbolise l'attitude de la fille dans la fable "La Fille" ?
L'attitude de la fille symbolise l'orgueil, la vanité et la recherche illusoire de la perfection, qui peut conduire à manquer des opportunités réelles.
Pourquoi la fable "La Fille" peut-elle être vue comme une critique des "précieuses" ?
La fable "La Fille" peut être vue comme une critique les "précieuses", ces personnes dont les manières, le langage et les sentiments sont marqués par une délicatesse et un raffinement artificiel, car l'auteur, à travers cette fable, montre leur coté prétentieux illustré par la Fille et sa recherche obsessionnelle de la perfection par orgueil.
Pourquoi la fille se retrouve-t-elle finalement avec un "malotru" dans la fable "La Fille" ?
La fille choisit un "malotru" parce qu'après avoir été trop exigeante et avoir rejeté plusieurs prétendants, elle finit par accepter celui qui se présente enfin à elle, réalisant qu'elle ne peut plus se permettre d'attendre un mari qui pourraient répondre à ses attentes, elle-même étant devenue moins attirante avec le temps.
Quel est la signification de "malotru" dans la fable "La Fille" ?
Au XVIIème siècle, un "malotru" était une personne d'aspect ingrat et de constitution fragile. De nos jours, le terme malotru désigne une personne aux manières grossières, qui manque d'éducation (synonymes : mal élevé, grossier).
Que signifie "l'âge la fit déchoir" dans la fable "La Fille" ?
La phrase "l'âge la fit déchoir" signifie que l'âge avancé de la fille la fait perdre son attrait et sa beauté, ce qui la rend moins exigeante et plus ouverte à des propositions plus modestes.
À quel autre écrivain peut renvoyer la fable "La Fille" qui aborde le thème des "précieuses" ?
Un autre écrivain qui a traité du thème des "précieuses" est Molière, notamment dans sa comédie Les Précieuses ridicules (1659). Cette pièce se moque des femmes de la haute société qui adoptent un langage et des comportements prétentieux et excessivement raffinés, comportements similaires à ceux que La Fontaine critique dans sa fable "La Fille".
Quelle est la leçon morale de "La Fille" de La Fontaine ?
La leçon morale de la fable "La Fille" est qu'il est essentiel d'être humble et raisonnable dans ses attentes, car l'excès de prétention peut nous faire manquer des opportunités.
La morale de cette fable souligne que des attentes démesurées et l'arrogance peuvent conduire à la déception. Il est souvent plus sage de faire preuve de réalisme.
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